Qui manipule l’organisation de l’État islamique ?

Le jeu trouble des pays du Golfe et de la Turquie.

Résumé d’un article d’Alexis Varende (Orient XXI, ).

Mots-clés : géopolitique, Moyen-Orient, État Islamique, Turquie, Arabie saoudite

Origines.

La manipulation de l’islamisme radical par les USA ou l’Arabie saoudite a favorisé l’émergence des organisations Ansar al-Islam, al-Qaïda puis de l’organisation État Islamique (OEI). Ces deux pays en particulier ont capitalisé sur la frustration des musulmans sunnites, qui s’estiment marginalisés par les pouvoirs alaouite (en Syrie) et chiite (en Irak).

Riyad et Ankara.

Riyad combine ainsi dangeureusement l’aide au djihadisme extérieur (pour faire pression sur le pouvoir chiite) et la lutte contre un djihad intérieur qui menace les Saoud. Il s’agit d’une véritable position schizophrène selon Varende, d’autant plus que le wahhabisme officiel saoudien et le salafisme revendiqué des djihadistes sont très proches sur le plan doctrinal.

Du côté turc, la politique du président Erdoğan se caractérise par sa volonté d’emprise sur le Moyen-Orient (Alexis Varende parle d’ottomanisme), son attachement à un islam proche de celui des Frères Musulmans, et par sa proximité avec l’Occident. Dès juin 2011, au début de la Guerre civile syrienne, Erdoğan mise sur la chute du président Assad, et contribue à former l’Armée syrienne libre (ASL) en mettant son territoire à sa disposition. Mais l’affaiblissement (notamment en Égypte) des Frères Musulmans, proches du pouvoir, diminue l’influence du président turc. Il se rapproche alors de l’État Islamique et l’assiste, à la faveur de l’étendue de la frontière turco-syrienne.

Perspectives.

Riyad et Ankara, désormais face-à-face dans cette partie géostratégique, sont menacés par leurs propres pions djihadistes ; en particulier Riyad. Alexis Varende note ainsi : La violence politique qui touche l’Arabie saoudite depuis une quarantaine d’années puise sa source dans la contestation de la légitimité des Saoud et de leurs liens avec Washington. Riyad est donc bien placé pour percevoir le risque que l’OEI fait courir à son royaume.

Les combattants de l’État Islamique, toujours très actifs, ont déjà attaqué un poste-frontière saoudien en début d’année. Mais en imaginant leur défaite, l’Iran deviendrait le grand vainqueur et l’islam sunnite le grand perdant. Cette double perspective est inacceptable pour l’Arabie saoudite, la Turquie, la Jordanie, les USA ou encore Israël, qui doivent vaincre l’OEI sans favoriser de tensions communautaires dans la région.

Quelle que soit l’issue de ce conflit, Varende estime que l’État Islamique persistera comme instrument « diplomatique » utile à beaucoup d’États, ceux qui le soutiennent comme ceux qui le combattent.


Remarques : C’est ainsi que, devant les troubles causés au Moyen-Orient par les pouvoirs militaires et les clivages communautaires, le journaliste Feurat Alani a appellé les dirigeants locaux à se concentrer sur un élément transcendant les différences : la citoyenneté. Que l’Occident l’entende également, puis cesse de mettre en jeu et en péril la souveraineté des peuples.