Nation et nationalisme.

Histoire de la construction nationale.

Rédaction en cours.

Résumé de 2 conférences de l’historien français Gérard Noiriel pour l’Université de tous les savoirs (UTLS) :

Mots-clés : Allemagne, France, indépendance, nation, politique

Histoire d’une définition.

L’étymologie du terme nation vient du latin natio (progéniture, race), de nascor (naître). Jusqu’au 18ème siècle, le terme se confond avec celui de race. Puis, entre et , le terme prend son sens moderne, politique, sous une triple influence :

  1. les guerres d’indépendance en Amérique à la fin du 18ème siècle (Amérique latine, Haïti, États-Unis) ;
  2. la Révolution française (-), d’où émerge l’expression de souveraineté nationale ;
  3. la « guerre de libération » lancée par les pays sous domination et occupation militaire de l’empereur français Napoléon 1er, à l’aube du 19e siècle.

Selon Gérard Noiriel, c’est avec la pensée des Lumières (18ème siècle) que naît la politique en France, et sur laquelle se fonde le concept de nation. Dans Qu’est-ce que le tiers état ? (1789), Emmanuel Sieyès définit la nation comme un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature. La nation est alors synonyme de tiers-état — ce qui exclut de fait les nobles. Aucun éventuel critère culturel n’est retenu : le Français c’est le citoyen, reconnaissant la loi et l’égalité devant la loi. Mais rien, alors, ne permet et ne pousse à distinguer une nation d’une autre.

Les critères historiques, culturels, et surtout linguistiques, de la nation vont se développer dans des pays sous domination étrangère (comme l’Allemagne), à partir du Printemps des peuples européen, en . Se développe également la notion d’esprit collectif, qui définit la nation comme une communauté linguistique. Le nationalisme romantique allemand (19ème siècle) en fait l’un de ses piliers idéologiques sous le terme de Volkstum (ou Volksgeist), cependant qu’en France sous la Restauration (-), alors que les aspirations démocratiques s’effacent, se forme le mot nationalité (daté de selon le dictionnaire Le Robert). De son côté, l’historien Jules Michelet, dans son Histoire de France écrite en plusieurs volumes dans la première moitié du 19ème siècle, considère la France comme une personne, dont l’esprit vient de la Révolution française.

La guerre franco-allemande de - marque la rupture de l’échange entre les intellectuels européens qui travaillaient ensemble au Printemps des peuples. S’en suit la défense farouche d’une définition de sa propre nation, et non plus d’une définition commune au service des peuples. Les intellectuels se lancent en quête de l’ancienneté et des spécificités de leurs nations respectives, avalisant l’expression d’éveil des nations (qui traverse jusqu’au 20ème siècle) — expression à laquelle on recourt toujours et que rejette Noiriel, car elle fait de la nation une personne, à la nature préexistante et figée.

C’est ainsi que les universitaires, les universités elles-mêmes, et la culture écrite, ont un rôle-clé dans la construction de l’identité nationale. En outre, Gérard Noiriel évoque l’importance de l’Éducation nationale, en France, dans la propagation des mythes nationaux ou dans la justification de la colonisation.

Remarques sur la France.

De l’Ancien régime à nos jours, la nationalité française a été définie juridiquement, selon les contextes et les besoins du pays. Les nationaux ont donc des privilèges de droit, mais aussi de fait : la France est ainsi l’un des pays d’Europe où les discriminations fondées sur la nationalité sont les plus importantes. On estime à peu près que le tiers des emplois en France [notamment publics] sont sous condition de nationalité (Gérard Noiriel).

Depuis le 5ème siècle (fin de l’époque gauloise), la France est un espace extrêmement hétérogène en termes de populations et de langues. En outre, elle est l’un des pays d’Europe où les revendications nationales ont été les plus faibles (elles se sont plutôt exprimées dans le régionalisme). Mais le travail en France, dès le 17ème siècle, d’assimilation culturelle — par la force (éradication des religions autres que le catholicisme, interdiction des langues régionales, etc.) mais surtout par l’intérêt (comme la promotion sociale) — a été particulièrement efficace.

La première vague d’émigration vers la France date de  : il s’agit de Polonais, contraints de fuir la répression de la première insurrection contre l’oppression tsariste russe.

Vers une définition ?

Selon Gérard Noiriel, la construction historique d’une nation ne s’arrête pas au moment où cette dernière accède à la souveraineté. Dans un processus de nationalisation de la société, les références politiques et culturelles de la lutte indépendantiste sont fondues puis forgées en des principes communs et homogènes de citoyenneté et d’identité.

Ainsi, un État-nation est une nation disposant d’une représentation politique, symbolique (comme l’hymne ou le drapeau), d’une définition géographique, d’une armée, d’une monnaie, etc. La mondialisation, ou encore la construction européenne (après une Europe en guerre où s’est développé le concept d’État-nation) seraient des facteurs de dépassement de cet notion, qui n’est pas encore épuisée cependant.

Aujourd’hui, la reconnaissance d’une nation est dans les mains de l’Organisation des Nations Unies (ONU), fondée en en remplacement de la Société des Nations (SDN). L’anthropologue Ernest Gellner estime qu’il pourrait légitimement y avoir, en cet aube du 21ème siècle, 8000 nations dans le monde, au lieu des 197 définies par l’ONU en 2012.

Désormais, les universitaires ont compris que les critères historiques, ethniques, religieux ou encore linguistiques ne sont pas intellectuellement tenables pour définir la nation. Cette dernière se construit plutôt autour de luttes politiques, par les individus qui y sont rassemblés. Dès lors, Noiriel rappelle que pour les historiens, l’identité nationale demeure une identité latente, c’est-à-dire un élément parmi d’autres de notre identité, qui va s’effacer dans certaines circonstances et s’imposer dans d’autres (comme lors d’une guerre, lorsqu’on est à l’étranger, ou dans un contexte d’immigration mal vécue).