Âge, que se répand une vision chrétienne diabolisante du juif. Le
tournant dans l’histoire de l’anti-judaïsme chrétien est contemporain des
Croisades aux XIIème et XIIIème siècles. S’installe en effet, en Europe
occidentale, une politique de mise au ban des juifs alors que se diffusent
des mythes qui accréditent leur nature satanique.
Ceux-ci se livreraient notamment au meurtre d’enfants chrétiens dans le
cadre de rites savamment programmés, tantôt pour rejouer la crucifixion
de Jésus (meurtre rituel), tantôt pour boire leur sang ou voler leurs
organes.
Pour l’historien français Jean Delumeau (in "La Peur en Occident", 1978,
chapitre 8, "le juif mal absolu"), le mythe du juif cannibale constitue, avec
les sorcières, le diable ou la peste, l’une des grandes peurs de l’Occident
chrétien au Moyen-Age et à La Renaissance. Ce fantasme trouve son
origine dans l’activité très tôt réservée aux Juifs par les Princes et l’Eglise
: le commerce de l’argent. C’est en effet là que naquit l’idée selon laquelle
les Juifs, parce qu’ils faisaient des prêts à intérêts (le prêt à intérêt était
interdit par l’Eglise aux Chrétiens et donc dévolu aux Juifs), suçaient par
la même occasion le sang économique (l’argent) des Chrétiens. Etant de
plus accusés de se nourrir du sang des enfants chrétiens qu’ils
assassineraient, de suceurs d’argent, les Juifs devinrent suceurs de sang.
Dès lors se développent des accusations contre les Juifs. Celle de meurtre
rituel est attestée pour la première fois en 1144 à Norwich en Angleterre
quand des Juifs sont accusés d’avoir rejoué, avec un enfant, la passion du
Christ, liant donc meurtre rituel et déicide. Ce crime aurait été prémédité
par une assemblée de rabbins, donnant ainsi naissance à l’idée de
complot qui se diffusa rapidement dans toute l’Europe. Elle fut reprise et
popularisée au XIXème siècle par le faux créé par la police politique du
Tsar Alexandre III, " Les Protocoles des Sages de Sion", lesquels
s'inscrivaient dans une longue tradition de faux complotistes et
antisémites du XIXème siècle, dont ils ne faisaient que reprendre les
thèmes. La description précise d'un complot mondial apparaît ainsi dans
l'ouvrage de l'abbé Barruel, les "Mémoires pour servir à l'histoire du
jacobinisme", paru en 1797. L'accusation centrale est portée contre des
francs-maçons, à qui un rôle prépondérant est réservé dans le
déclenchement des événements révolutionnaires, mais il n'y est pas fait
mention des Juifs. C’est en Allemagne, que le thème du "complot juif"
émergea réellement avec le roman, "Biarritz" de Hermann Goedsche,
publié en 1868. Il y décrit une assemblée nocturne tenue dans le
cimetière juif de Prague, au cours de laquelle les chefs des douze tribus
d'Israël, sous la présidence du diable, auraient annoncé que les Juifs
allaient dominer la Terre. En France, un faux largement inspiré par ce
roman fut publié en juillet 1881 par Le Contemporain sous le titre
Discours du grand Rabbin. L'ouvrage rencontra un certain succès et tout
un panel de livres paraît à cette époque, développant la même idée. A
partir du XIIème siècle, naît une légende noire selon laquelle les juifs
volent, mutilent ou brûlent l’hostie afin de tuer Jésus une fois de plus.
Cette légende s’amplifia après le concile du Latran de 1215 qui consacra
l’eucharistie. L’accusation de cannibalisme, ou "libelle du sang", apparut,