Le vote.

Vote blanc, vote nul.

Résumé d’un entretien avec Jérémie Moualek, France Culture,

Sans autre précision, les citations sont de Jérémie Moualek.

Contexte et définitions.

Dans le cadre de sa thèse de doctorat en sociologie (Université d’Évry), Jérémie Moualek a consulté les archives départementale de Beauvais, qui conservent l’intégralité des bulletins nuls des élections présidentielles de 2007 et 2012. Ses travaux sont disponibles sur son site Voter en touche.

Le site gouvernemental Vie publique définit ainsi le vote blanc, le vote nul et l’abstention.

Vote blanc :
Le vote blanc consiste à déposer dans l’urne une enveloppe vide ou contenant un bulletin dépourvu de tout nom de candidat.
Vote nul :
Le vote nul correspond à des bulletins déchirés ou annotés qui ne sont pas pris en compte dans les résultats de l’élection.
Abstention :
L’abstention consiste à ne pas participer à une élection ou à des opérations de référendum.

En France, le bulletin blanc est interdit dans les bureaux de vote cependant qu’il est disponible sur les machines à voter, actives dès 1969. Depuis la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, le vote blanc est comptabilisé mais pas inclus aux suffrages exprimés. Depuis cette date, une enveloppe vide équivaut à un vote blanc (auparavant nul). L’une des ambitions de l’État est de faire baisser l’abstention tout en ne légitimant pas une insuffisance de représentation politique (Le vote blanc, tel qu’il est institué, est inoffensif et favorable au pouvoir d’État.).

Le vote blanc n’est pas nécessairement neutre.

D’un point de vue pratique, le vote blanc apparaît en 1798 avec la systématisation du vote par bulletin. Ce « bulletin en blanc » ou « vote à la blanche » est assimilé à une incapacité de choisir. Son caractère politique date du début de la Cinquième République, sous la multiplication de référendums et le développement du scrutin majoritaire à deux tours — c’est-à-dire sous la multiplication de choix électoraux binaires (oui ou non ; un candidat ou un autre). Le vote blanc s’impose alors comme un droit d’abstention quand l’offre politique paraît insuffisante. Dans ce sens, Moualek assimile le vote nul à un vote blanc à message, en précisant que tout vote blanc ou nul ne s’explique pas par une défaillance de l’offre politique. Il peut par exemple s’agir d’un refus entier de l’élection.

Le vote blanc est considéré positivement par les acteurs politiques depuis les années 1990. Avant, a fortiori au 19ème siècle, cette « neutralité » est considérée comme une hypocrisie, une lâcheté, une déviance électorale (On est passé de l’antivote à l’antidote.).

Une nullité toute relative.

Jérémie Moualek constate que l’on fait « parler » les bulletins non commentés tout en annulant les bulletins qui disent justement quelque chose. Derrière cette contradiction démocratique, il s’agit d’une forme de censure : le vote est d’abord un outil de régulation de l’expression populaire, et par corollaire une délégitimation d’autres formes d’expression.

Sur la qualité des votes nuls, Moualek note un possible comportement réflexif sur sa propre pratique et sur la pratique des autres, un possible surinvestissement de l’électeur sur son bulletin, dont la charge critique touche aussi les médias et l’ensemble de la politique. Beaucoup de votes nuls proviennent de citoyens diplômés, parfois abstentionnistes, qui souhaitent démocratiser la démocratie. En outre, lors d’élections locales, certains votes nuls servent de revendications directes en faveur d’une mesure. Enfin, une majorité de votes nuls tiennent de l’infrapolitique, c’est-à-dire se rapportent à la situation personnelle de l’électeur.

Dans tous les cas, Jérémie Moualek refuse de subsumer l’ensemble des votes sous une expression politique et l’abstention sous une absence d’expression. Un vote n’est pas plus légitime ou plus investi qu’une absence de vote.


Références.