Même la guerre a ses lois.

Résumé d’un article du journaliste Olivier Bailly (Le Monde diplomatique, ).

Mots-clés : droit, humanitaire, guerre

Le droit international humanitaire (ou « droit de la guerre ») vise à réduire autant que possible l’impact des conflits sur les civils par l’assistance directe aux populations et par l’interdiction d’armes frappant sans discrimination (comme les armes à fragmentation), dont l’utilisation violerait les principes d’humanité et de proportionnalité.

Né en 1864 avec la première convention de Genève, mais réellement développé après 1945, le droit international humanitaire (DIH) a été balisé en 1949 par les quatre conventions de Genève sur les conflits armés (signés par 195 états). Ces textes ont d’abord codifié les conflits armés internationaux (CAI), c’est-à-dire entre États, puis de plus en plus les conflits armés non internationaux (CANI).

Ajoutés en 1977, les protocoles 1 et 2 régissent les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si l’État de Palestine a ratifié ces deux protocoles en 2014 et 2015, les États-Unis, le Pakistan, l'État d’Israël et l’Iran, entre autres, ne les ont pas ratifiés.

Le DIH figure parmi les droits les plus bafoués au monde : sur les 248 conflits armés recensés depuis 1945, on estime que 90 % des tués sont des civils. En outre, si la Cour pénale internationale (CPI) peut statuer sur des crimes de guerre (violations graves des conventions de Genève), elle n’agit que lorsqu’un État ne veut ou ne peut pas engager de poursuites — et sa compétence se limite aux ressortissants ou au territoire des États ayant ratifié ses statuts. Néanmoins, le DIH parvient à contenir l’action des troupes — gouvernementales ou non —, surtout lorsqu’il est mis en avant par les acteurs eux-mêmes : Nombre d’entre eux citent le DIH dans leurs propres règlements internes et prévoient des sanctions en cas de manquements, constate madame Audrey Palama, conseillère du CICR pour le dialogue avec les acteurs armés non étatiques.

En novembre 2014, monsieur Marco Sassoli, directeur du département de droit international public de l’Université de Genève, est intervenu dans un rassemblement de groupes armés non étatiques. Au terme de cette réunion atypique, 35 organisations se sont engagées à augmenter leurs efforts pour intégrer les normes humanitaires dans leurs pratiques. Pourquoi cherchent-elles à respecter le droit alors que leur lutte est de toute façon criminalisée par l’État combattu ? M. Sassoli répond :

D’abord pour l’idéologie ou la religion. Ces groupes admettent qu’ils trahissent leurs idéaux s’ils attaquent des civils. Ensuite, ils cherchent à obtenir une légitimité et une certaine aura internationale. Il y a également des intérêts très pratiques pour ces groupes qui doivent vivre avec les populations civiles et ont besoin de leur soutien, même si ce n’est pas le cas des groupes “prédateurs”. Enfin, beaucoup de ces groupes ont une diaspora qui soutient leur cause, mais qui peut être embarrassée quand “leurs” combattants commettent des actes inacceptables.

Si l’adoption du DIH par les acteurs d’un conflit peut être morale ou stratégique, elle garantit aussi un après-conflit plus favorable à ces acteurs et à la paix. M. Robert Mardini, chef des opérations Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour le Proche-Orient, insiste : Il [existe] un intérêt commun à respecter des règles de base de dignité humaine. Il nous faut saisir ces moments où il n’est plus nécessaire de faire un dessin.

Le CICR est réputé comme le “gardien” officiel du droit international humanitaire, d’après le journaliste Olivier Bailly. Basée à Genève (Suisse), cette organisation indépendante bénéficie d’un mandat lui permettant par exemple, de visiter des prisonniers, d’exhumer des morts pour les rendre à leurs familles, ou de dialoguer avec toutes les parties (même lorsqu’une loi nationale interdit le contact avec un groupe « terroriste »). Le CICR travaille dans la confidentialité : les dossiers et les documents qu’il produit ne peuvent pas être utilisés dans un procès et ne sont jamais publiés. En revanche, ils sont transmis aux autorités concernées par les crimes afin qu’elles corrigent leur comportement.

Cela dit, en situation de violence, personne ne respecte la loi. Mais l’aspect positif du DIH, c’est qu’il y a un droit à respecter. Nous avons quelque chose à exiger explique M. Jordi Raich, chef de la délégation du CICR en Colombie jusqu’en septembre 2014. De son côté, M. Knut Dörmann, chef de la division juridique du CICR, conclut : [Le DIH] est la seule limite pour prévenir la barbarie.