Racisme et discriminations.

Analyse et évolution des discriminations en France et en Europe.

Quelques définitions.

Deux grands types de racisme se dégagent de l’enquête, qui souvent coexistent chez le même individu.

Le premier, produit de la crise économique et de l’exclusion sociale, est volontiers inégalitaire. Il inverse une réalité trop dure à vivre en faisant de l’étranger un inférieur, sur des bases biologiques et raciales. Instable, épidermique, il est aussi le plus facile à combattre par un traitement social approprié (emplois, logements, etc.).

L’autre est différentialiste. Né du sentiment d’une déstructuration de la communauté d’appartenance (quartier, région, religion), il perçoit l’étranger comme une menace identitaire et postule une différence insurmontable entre les cultures. Il faut souligner que ces deux racismes sont idéologiquement et politiquement peu articulés et que le ressentiment se polarise essentiellement contre les immigrés, principalement les Maghrébins, sans que jamais spontanément les interviewés ne tiennent de propos antisémites, à la seule exception des skins. Ces derniers se distinguent nettement des autres interviewés par leur violence tant verbale que physique, par leur hantise du métissage. Ils sont comme un miroir grossissant du racisme contemporain.

Nonna Mayer, à propos de La France raciste (dirigé par Michel Wieviorka)

Les fondements racistes de la République française.

D’après un résumé de Bruno Bertherat, de l’ouvrage de Carole Reynaud-Paligot, La République raciale. Paradigme racial et idéologie républicaine (1860-1930), paru en 2006.

Mots-clés : Troisième République, anthropologie

Le modèle républicain de la Troisième République (1870-1940) est nourri de l’anthropologie raciale républicaine, approche disciplinaire caractéristique de l’époque. Celle-ci hiérarchise ce qu’elle considère comme les races, dont les non-européennes sont déclarées inférieures. En revanche, elle se distingue par son refus de l’antisémitisme et du nationalisme : il n’y a pas d’inégalité entre les races européennes.

Par essence, le modèle républicain est donc racialiste, c’est-à-dire inégalitaire. Il est néanmoins universaliste et croit en la relative perfectibilité de l’homme, conférant un pouvoir majeur à l’éducation. Le contexte scientifique de l’époque doit aussi être lié au contexte politique : le « racialisme républicain » s’inscrit dans un sentiment de supériorité du monde occidental, et les anthropologues légitiment ainsi la politique coloniale et la mission civilisatrice de la France.

La culture républicaine issue de la Troisième République a hérité de cette ambigüité, et demeure aujourd’hui encore productrice à la fois d’intégration (le citoyen, le faible) et d’altérité (le non-occidental, le colonisé, voire l’immigré).

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Profil des extrêmes droites en Europe.

L’extrême droite allemande.

D’après Stéphane François (historien des idées au CNRS, spécialiste des droites radicales), l’extrême droite allemande se caractérise par :

  • une haine de l’islam et des immigrés, « profiteurs » de l’État-providence ;
  • un rejet de la mondialisation, lié à une droitisation des politiques et non au populisme européen (Ces milieux extrémistes sont rejetés par tous les partis populistes) ;
  • une idéologie ouvertement raciste et suprémaciste (issue du nazisme), mais dans une version moins conceptualisée, moins réfléchie.

François précise que ces néo-nazis sont plutôt issus de milieux populaires, en déshérence et ont un niveau scolaire assez bas.

Les skinheads en France.

D’après Nicolas Lebourg (historien, spécialiste de l’extrême droite, chercheur associé au Centre de recherches historiques sur les sociétés méditerranéennes à Perpignan), les skinheads en France se caractérisent par :

  • une forte affirmation de classe (se nomment « prolétaires blancs »). Ainsi, la question sociale équivaut chez eux à la question raciale ;
  • un rejet de la gauche favorables à l’égalité des immigré·e·s et des homosexuel·le·s ;
  • l’antisémitisme ;
  • le suprémacisme blanc (influence des skins anglais au début des années 80, et des néonazis américains dans les années 90) ;
  • le fascisme anti-impérialiste (l’Europe est colonisée par les puissances américaine et israélienne) ;

Lebourg note que l’islamophobie reste nouvelle et assez peu représentée.

Certains extrémistes sont autonomes et ne se rejoignent que lors de manifestations ou d’actions. Les skinheads en France sont sans doute quelques milliers et sont violents en groupe. Ils sont spécifiquement nommés boneheads par les skinheads antifascistes.

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Islamophobie : la fabrique d’un nouveau concept. État des lieux de la recherche.

Résumé de l’article d’Houda Asal, paru dans la revue Sociologie (Vol. 5),

Mots-clés : religion, racisme, shs

L’islamophobie est un concept récent en sociologie, qui fait face à de fortes résistances en France dans les champs académique et politique.

En tant que phénomène social multidimensionnel, l’islamophobie est un racisme : on passe du marqueur ethnique, racial ou de l’origine immigrée vers le marqueur religieux, de plus en plus prégnant et obéissant aux mêmes processus. En cela et malgré les différences de contexte, l’antisémitisme et l’islamophobie procèdent d’une même racialisation du religieux. Néanmoins, l’hostilité à l’égard des musulmans s’exprime davantage comme une forme de racisme culturel que comme une intolérance religieuse.

Si le terme d’islamophobie demeure aujourd’hui imprécis et pluriel, les chercheur·e·s s’accordent à légitimer son usage pour rendre compte du phénomène social.

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Roms et riverains : une politique municipale de la race.

Extraits de l’article de Dépêches Tziganes sur l’ouvrage éponyme d’Éric Fassin,

Mots-clés : france, racisme, culture

Quelques extraits :

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Islamophobes de gauche, musulmans de gauche.

Résumé de l’article d’Alain Gresh, paru sur le blog du Monde Diplomatique, le

Mots-clés : racisme, laïcité, sémantique

Dans son rapport La lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) utilise pour la première fois et après un large débat interne, le terme d’« islamophobie ». Alain Gresh précise : [ce terme] est entré au Petit Robert comme au Larousse, il a été adopté dès 1998 par la Commission des droits de l’homme des Nations unies et par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes de Vienne, mais il continue à susciter des réticences parmi les partis politiques et au sein des institutions françaises. À l’instar de celui d’« antisémitisme », la CNCDH reconnaît l’imprécision du terme d’« islamophobie », qui recouvre pourtant une réalité post-coloniale qui a vu glisser le racisme biologique vers le racisme culturel.

Néanmoins, la CNCDH souligne que la puissance du mot rend visible un phénomène grave et qu’il convient de nommer ce que l’on dénonce et souhaite combattre. Si les actes racistes et antisémites sont en baisse, l’islamophobie ne cesse de progresser. Cette progression s’explique notamment par une plus grande porosité de la gauche à l’intolérance, et spécifiquement contre l’islam. L’idéologie d’ouverture, le plus haut niveau scolaire ou même la culture urbaine mixte qui caractérisent ce camp politique ne suffisent plus : la CNCDH note ainsi une islamophobie de gauche (Parti Socialiste, Front de Gauche, Verts…), qui associe régulièrement l’islam à une menace sur la laïcité. En cela, ajoute Gresh, la différence fondamentale entre le racisme et l’islamophobie, c’est que la seconde peut être brandie par des personnes de gauche qui se croient à l’abri de l’accusation de racisme.

Le rapport de la CNCDH conclut avec ce paradoxe : en même temps que les islamophobes de gauche, émergent des musulmans de gauche (en référence aux catholiques de gauche). Ce groupe social, constitué à moitié par des musulmans, se caractérise par son conservatisme inédit, mêlé à des positions traditionnelles de la gauche française (égalitarisme et forte attente vis-à-vis de l’État). L’enjeu aujourd’hui pour la gauche est donc de se redéfinir par rapport à ces deux tendances paradoxales.

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Il n’existe pas de vote musulman.

Résumé de l’entretien avec Nabil Ennasri par Fouad Bahri, paru sur Zaman France, le

Mots-clés : politisation, violence, Palestine

Nabil Ennasri distingue trois formes d’islamophobie :

  1. l’islamophobie diffuse, celle de l’opinion, typiquement xénophobe et conséquence du matraquage médiatique ;
  2. l’islamophobie médiatique qui, selon Fouad Bahri, porte et légitime le discours politique d’une part, et d’autre part, banalise une violence symbolique qui finit toujours par devenir physique ;
  3. l’islamophobie politique qui, toujours selon Bahri, mêle positionnement idéologique et stratégie électoraliste volontairement agressive. Ainsi, la violence identitaire fait progressivement consensus national (surtout en période de crise), et devient un acte d’auto-défense à l’égard de l’islam qui serait le vrai danger. Selon Ennasri, l’islamophobie est l’un des seuls thèmes politiques transversaux, et se caractérise par à gauche, un discours laïciste de rejet et à droite un discours identitaire antimusulman.

Selon Ennasri, l’élection de Manuel Valls au Ministère de l’Intérieur (16 mai 2012) est un abandon par François Hollande de la communauté musulmane (traditionnellement PS), aussi perçue négativement pour son abstentionnisme chronique. La communauté musulmane doit donc se repolitiser, mais sans constituer un vote commun qui dénaturerait son pluralisme politique. Cette repolitisation passe en particulier par une attention accrue aux actions et aux discours islamophobes des partis et des institutions.

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