Référendum d’indépendance du Kurdistan irakien de 2017.
D’après deux articles parus en , par Laurent Perpigna Iban (Ballast) et Sylvain Mercadier (Orient XXI).
Contexte
Le Kurdistan est une région d’Asie occidentale, bordée par la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie. Le Kurdistan irakien (capitale : Erbil) est officiellement dirigé par le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Cette autorité est majoritairement composée de membres des deux partis historiques, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) — dont est issu le Président de facto Massoud Barzani — et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK).
Le 25 septembre 2017, dans un contexte peu favorable au débat, le GRK a tenu un référendum sur l’indépendance de la région, dont le scrutin, précise Jean-Pierre Filiu (EHESS), a excédé les territoires dévolus au GRK dans le cadre de la constitution irakienne de 2005. L’indépendance a finalement été approuvée par les votants à 92,7%.
Réactions
Ce résultat a été favorablement accueilli :
- par la Russie, qui
voit cette évolution comme potentiellement bénéfique dans la mesure où elle lui permettrait d’instaurer un nouvel oléoduc qui rejoindrait l’Europe via la Turquie
(Mercadier) ; - par Israël, dans une logique de déstabilisation et de balkanisation du monde arabe, d’approvisionnement en ressources, ainsi que d’affaiblissement du rival iranien (Mercadier, P. Iban).
Le résultat a été défavorablement accueilli :
- par l’Iran : inquiet de l’effet du référendum sur sa propre minorité kurde, Téhéran menace de fermer sa frontière avec la région (Mercadier), mais sans probablement oser
des actions de coercition [qui] seraient une véritable déclaration de guerre aux États-Unis
(P. Iban) ; - par les États-Unis : à l’origine opposé à l’indépendance kurde malgré les encouragements d’Israël, Washington craint que cette décision nuise à l’efficacité de la lutte contre l’Organisation État islamique, qui reste sa priorité (P. Iban).
La position de la Turquie est plus ambiguë : Ankara s’inquiète autant de l’effet de cette indépendance sur sa propre minorité qu’elle s’en réjouit, parce que des accords négociés avec le PDK pourraient affaiblir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), actif en Turquie. En outre, un État kurde au sein de l’actuel Irak peut donner à Ankara la garantie d’une protection de ses frontières et sa sécurité
(Adel Bakawan (EHESS), cité par P. Iban).
Quant à l’Irak, malgré une Constitution de 2005 favorable à des négociations, Bagdad s’est toujours montrée hostile au projet kurde, et Erbil envisage clairement de se séparer de l’Irak (P. Iban, Mercadier). Cela dit, les premières frictions avec Bagdad ont émergé au sujet du contrôle des ressources pétrolières de la région kurde et des zones contestées, ethniquement mixtes
(Mercadier) ; notamment la ville de Kirkouk, qualifiée de « Jérusalem kurde » pour sa diversité de minorités ethniques et religieuses, et seconde réserve pétrolière d’Irak (P. Iban).
Il est à noter que, sur le plan économique, le Kurdistan irakien a libéralisé son économie à l’extrême
et importe désormais une grande partie de sa consommation de la Turquie, de l’Iran et de l’Arabie saoudite (Mercadier).